20.11.08

Texte par Christian SKIMAO, oct 2008

Exposition Daniela Montecinos


Galerie de la Salamandre
3, place de la Salamandre
30000 Nîmes T. 04.66.76.23.90.
Du 3 au 25 octobre 2008



Une nostalgie cultivée

Fernando Pessoa disait : « Ma patrie est la langue portugaise ». Pour Daniela Montecinos, artiste chilienne, naviguant dans le monde, son langage est la peinture. Mais que peindre face à un sentiment extrême du manque, ce dernier se trouvant être paradoxalement l’un des moteurs de son travail. D’une blessure, l’acte du « faire » s’accomplit au travers d’œuvres. Elles mettent en scène l’errance au travers d’une figuration maîtrisée et cultivée. Des chiens errants accompagnés de textes de poètes comme Javier Bello se disputent avec de grandes toiles aux couleurs passées, fanées devrait-on dire, qui se réfèrent indirectement à l’immense œuvre picturale de Max Beckmann. Le triptyque de « Départ » (1932-33) apporterait alors un certain éclairage sur l’approche picturale de Montecinos. Comme un lointain écho d’une situation, posée à l’aune d’un réel disparu, lieu de tous les leurres et de toutes les illusions.

En revenant sur une autre thématique, celle des couronnes, proches de celles de l’enfance, du tirage des rois lors de la galette de l’Epiphanie, on entre de plain-pied dans un territoire interdit aux autres, celui du souvenir personnel. Et que représentent ces chaussures, celles d’une femme « aux semelles de vent » ou encore une référence aux souliers peints par Van Gogh et dont l’analyse faite par Heidegger et Schapiro a relancé celle de Derrida. Citons le : « Vont-elles rester là, déposées, laissées à l’abandon, délaissées ? » Chaussures d’enfants, d’hommes et de femmes, trilogie qui nous ramènerait une fois encore au triptyque. On pourrait établir sa peinture sous le vocable allemand de « Sehnsucht », qui peut aussi bien se traduire par désir et nostalgie. Ce désir ardent et souvent douloureux que l’on trouverait dans le vocable tchèque « stesk » qui donne son nom à l’exposition.

Que de langues pour parler de peinture. Que de textes qui eux aussi, offrent, à leur tour, une couronne, peinte et /ou feinte au spectateur. D’un art visuel marqué par le sceau brûlant de l’urgence se dresse le tableau d’une mise en scène de l’impalpable. Sentiments mêlés à l’encontre de mondes enfouis, ressurgissant grâce à une figuration savante, Daniela Montecinos brouille les pistes et nous embarque pour des destinations si proches et si lointaines. Humaines, trop humaines.

Christian Skimao

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